Jean Carmet 2023 – 5 découvertes à ne pas manquer !

Chaque année en octobre, le second rôle est à l’honneur du côté de Moulins. On fait le point sur cette 29ème édition en cinq films !

Marinette

Sorti à point nommé en juin 2023, le film de Virginie Verrier est entré en résonance directe avec la coupe du monde féminine qui a suivi cet été. Précisément parce qu’il démarre dans les années 90, à l’aube de l’essor du football féminin. Il mesure ainsi le chemin parcouru à l’aune de la formidable ascension de Marinette en compétition nationale, puis internationale.

Une chronique étalée sur vingt ans, ultra-inspirante, qui aurait gagné à se débarrasser de quelques futilités (l’amourette de Philadelphie) pour gagner en crédibilité. On regrettera également l’absence de mise en scène et le manque d’immersion dans les scènes de match. Toutefois, le film peut compter sur l’implication généreuse de Garance Marillier (Grave) pour lui insuffler un brin de militantisme.

Une crédibilité salutaire pour ce petit film très juste, qui comme son héroïne ne s’écarte jamais de l’ambition qu’il s’est fixée : redonner au football féminin ses lettres de noblesse, et reconnaître enfin le statut professionnel pour les joueuses. Pas exceptionnel, mais à voir !

Le Théorème de Marguerite

Pour travailler les mathématiques, il faut savoir explorer, faire le pas de côté, aller chercher de nouvelles choses sans cesse. Voici ce que nous énonce le personnage de Jean-Pierre Darroussin dès l’ouverture de ce film de quête. Cette quête, c’est celle de Marguerite, une thésarde brillante couvée par Normale Sup, socialement isolée et obsédée par les mathématiques au point de s’attaquer à l’innattaquable : la conjecture de Colbach.

Jusqu’ici cantonnée à des seconds rôles (Grave), Ella Kumpf est ici tout simplement bluffante, et démontre sa pleine puissance par ce grand écart entre ses rôles habituels et celui de cette jeune fille fermée au monde jusque dans ces yeux qui semblent, même en phase de socialisation, être en permanence en train de réaliser des calculs dans l’espace. Mais alors, les mathématiques sont-elles le problème ou la solution ?

Et pourtant tout est clair : si le théorème de Marguerite – en l’occurence ici, la personne et son ouverture aux autres – semble insoluble en première instance, c’est parce qu’il lui faut composer avec l’imparfait, l’abstrait, l’intuition, pour pouvoir atteindre le fini, l’entier. C’est précisément à cet endroit, dans ce paradoxe absolu et jubilatoire, que réside la force du film d’Anna Novion : une rencontre heureuse entre l’artistique et le rationnel.

Parfaitement cohérent, finement écrit et jusqu’au-boutiste (toutes les formules écrites sur le tableau ont été validées en live sur le tournage avec la mathématicienne Ariane Mézard), le théorème de Marguerite est un oeuvre complète et plaisante. Un travail de forçat mené tant à l’écriture qu’à l’interprétation, qui trouve à juste titre son écho dans celui de son héroïne. Un véritable coup de cœur !

Bonus : en oeuvrant sur les formules et les solutions probables à la conjecture de Goldbach – non-résolue à ce jour – l’équipe de mathématiciens qui a participé à l’écriture du film a très certainement contribué à nourrir la théorie et faire un pas de plus dans la résolution du théorème.

Vincent doit mourir

Il avait fait sensation dans le cadre de la semaine de la critique à Cannes. Et pour cause, c’est le film le plus fou que vous verrez cette année. Fou comme le regard de Karim Leklou, reconnaissable entre mille et parfait pour le rôle-titre. Fou comme tous ces gens qui s’en prennent soudainement et sans raison à Vincent, son personnage. Une déferlante de violence « gratuite », si l’on peut dire, puisant volontiers dans le film de zombies et se faisant l’écho troublant de notre actualité morose. Jusqu’à la comédie romantique complètement inattendue, qui au beau milieu de cette violence grandissante pose cette question qui nous anime tous : « Comment s’aimer malgré les obstacles du quotidien ? ». Un paradoxe qui ré-ancre la relation amoureuse dans le réel, loin des clichés romcom habituels. Et ça fait un bien fou.

Derrière ses airs de film de l’apocalypse, le plus étonnant reste donc cette romance qui parvient à éclore malgré le climat ambiant, notamment par toute la mécanique du regard, élément-clé du film. Là est la force ultime du film de Stéphan Castang, nous faire traverser une foule d’émotions contradictoires, quitte à en faire un poil trop par endroits. En tout cas, pour son caractère inédit et son envie de prendre les clichés à contrepied, Vincent doit, sinon mourir, au moins être vu.

Le Syndrome des Amours Passés

Ils avaient épaté le festival Jean Carmet avec Une Vie Démente en 2021, Ann Sirot et Raphaël Balboni sont de retour pour un deuxième long avec leur style sobre et truculent, toujours dans cette espèce d’entre-deux fantasque entre le réel et l’absurde. Dans le cas présent, Rémi et Sandra doivent – tenez-vous bien – coucher avec tous leur ex pour pouvoir faire un enfant, et ainsi guérir du fameux syndrome des amours passés. Un pitch aussi intriguant qu’il amuse et questionne dans le même temps la figure du « couple libéré », mais sans jamais se départir de la légèreté qui fait sa force. Autre caractéristique du duo franco-belge : les séquences en jump cut, plus souvent exploitées en télé qu’au cinéma. Mais conférant aux acteurs une immense liberté créative, pour peu qu’on soit suffisamment à l’aise dans l’exercice de l’improvisation. Autre point fort : l’illustration de toutes les séquences charnelles par une chorégraphie /une rencontre des corps façon danse contemporaine. Voilà qui complète un chouette tableau, plein d’humour et de poésie, devant lequel on rit beaucoup.

Simple comme Sylvain

Peu de choses à dire sur cette chronique amoureuse franco-québécoise, tant le propos et sa mise en forme sont simples. Simple comme le sémillant Sylvain, dont Sophia tombe folle amoureuse alors qu’elle vient d’acheter un bien immobilier avec son mari. Pour Mona Chokri c’est avant tout l’occasion d’en retirer une dissertation sur l’amour nourrie par les théories de Platon ou Schopenhauer… Et là, tout y passe : le coup de foudre, la rencontre, la séduction, le désir, la sexualité, l’adultère, le poly amour, les relations longues, voire très longues, la confrontation des univers politiques et culturels dans le couple… Toujours avec cette manie de se placer au plus proche des corps et des visages (ou en tout cas jamais au-delà du plan taille) et de travailler tous ses plans à partir d’une ou deux silhouettes max, comme pour mieux se focaliser sur le couple en éliminant tout perturbateur exogène. Une chronique amoureuse énergique qui invite à la réflexion sur sa propre expérience sentimentale, mais qui n’échappe pas au sentiment de déjà-vu.

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Pour les découvertes de l’an dernier, c’est par ici !

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