Et la profession de foi de l’écurie DC de s’accomplir avec The Batman : un thriller galvanisant transcendé par le duo Matt Reeves / Robert Pattinson, pétri d’inspirations et d’une noirceur inédite. Décryptage d’un film culte en devenir…

Au regard du succès critique rencontré par The Dark Knight : Le Chevalier Noir en 2008 – et, dans une moindre mesure, de la version vieillissante proposée par Ben Affleck dans Justice League – tout l’enjeu de cet énième reboot était de proposer une lecture du personnage, sinon meilleure, au moins différente. Un enjeu parfaitement intégré par Matt Reeves (La Planète des Singes : L’affrontement et Suprématie), qui nous gratifie ici du traitement le plus sombre et le plus réaliste que l’on ait connu de l’homme chauve-souris.

NOIR C’EST NOIR

Premier parti pris : minorer Bruce Wayne et éluder l’origin story que l’on connaît tous par cœur pour se concentrer sur le Batman en action et sur le Batman enquêteur. Moins un film de super-héros qu’une enquête policière, The Batman tient donc ici de l’hybride entre Prisoners, Seven et True Detective : un thriller sombre sur fond de jeu de piste, empruntant volontiers les codes du western par endroits. Et confirmant au passage la théorie selon laquelle les films de super-héros ne sont jamais aussi efficaces que lorsqu’ils sont transformés en film de genre (le western avec Logan, le thriller psychologique avec Joker…).

D’où ce souci du temps long, ces dialogues réduits au strict minimum, cet esthétisme de film noir, ce Gotham pluvieux, en décomposition, ces décors tristes et froissés, ces corps abimés, ces gros plans sur les regards emplis de doutes, ces portraits de héros solitaires écartelés entre leur devoir et la rédemption. Et d’où cette lourdeur qui baigne le film en permanence : du thème principal (très entêtant) à la photo en passant par la posture de Robert Pattinson (impeccable) dans le costume : tout concourt à la pesanteur maximum. Une intention qui, étalée sur deux heures cinquante-cinq, en deviendrait presque étouffante.

LAST ACTION HERO

A mille lieues des bastons overcutées à la Marvel, les scènes d’action sont parfaitement lisibles et témoignent là encore d’un réalisme saisissant (il n’y a qu’à tendre l’oreille pour mesurer la violence des coups portés). Et parce que la grandeur d’un héros se mesure souvent à ses antagonistes, citons au passage l’excellent traitement du Riddler. Un opposant de poids introduit par une séquence d’ouverture digne des plus grands thrillers, et dont toute la tension repose sur une maîtrise folle du hors champ.

De leur côté, les fans de comics seront conquis tant par la composition des plans – clairement inspirés des cases de BD – que par la propension du scénario à puiser dans les tomes les plus sombres de la collection (Année un, Un long halloween, Zero Year, Ego…). Exit Bruce Wayne, clairement minoré ici, ce Batman-là est délibérément plus violent, plus sombre, plus tourmenté. Plus grunge aussi, ne serait-ce que pour Something in the way de Nirvana qui revient par deux fois dans le film.

Voilà qui fait de The Batman un film unique en son genre. Une contre-proposition inédite à la version de Christopher Nolan, libérée du fan service et dont les choix sont assumés de bout en bout. Et si l’exercice de style peut prêter à sourire par moments tant il est poussé à l’extrême, il a au moins le mérite de s’assumer pleinement. Tant et si bien qu’une fois que l’on s’abandonne à la proposition de Matt Reeves, le plaisir de retrouver l’homme chauve-souris est, comme lui, inéluctable.

The Batman en musique

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