Accrochez-vous car aujourd’hui : on parle de Christian Clavier. Non, mieux : on parle de Christian Clavier et Gérard Depardieu dans un même film ! (on n’avait pas vu ça depuis Astérix). Allez je vous achève : Christian Clavier et Gérard Depardieu dans un même film…d’auteur : Convoi Exceptionnel.
Un auteur oui, mais pas n’importe lequel sinon l’un des 3 plus vieux real français encore en activité avec Godard : Monsieur Bertrand Blier s’il vous plaît. 80 bougies au compteur et une passion intacte pour la caméra, quoique son truc à lui, c’est plutôt le langage des mots.
Blier en quelques mots, c’est 56 ans de carrière, c’est les Valseuses et Buffet Froid, c’est le grand prix du jury à Cannes et cinq César en 1990 avec Trop belle pour toi, un Oscar du meilleur film étranger pour Préparez vos mouchoirs, le Bruit de Glaçons en 2010, et neuf ans plus tard ce film : Convoi Exceptionnel.
2 hommes : Foster et Taupin. Réunis autour d’un scénario qui leur dicte ce qu’ils doivent faire, comme pour tous les personnages de cette histoire. La première chose stipulée dans ce dernier ? Tuer un homme.
Du Blier tout craché
Amis de l’absurde, bienvenue dans l’univers de Bertrand Blier, un dialoguiste de renom qui a avant tout bâti sa carrière sur la provocation du spectateur avec une vision très sombre de l’existence humaine. Dans Convoi Exceptionnel, Blier convoque les grands thèmes qui lui sont chers à commencer par la mort, seul sujet qui vaut le détour selon le cinéaste, qui se revendique comme le successeur évident de Samuel Beckett. Un titre qui n’est résolument plus à prouver.
Et cette lecture alarmante : nos vies seraient contrôlées par une entité quelconque – à la manière d’un acteur se voyant dicter son histoire par un scénario – et sommes aliénés à celle-ci jusqu’à notre mort salvatrice : la vie nous enferme et la mort nous libère. Une double lecture de la vie et du cinéma furieusement déprimante, qui atteint son apothéose quand Guy Marchand, producteur déchu, demande à Foster et Taupin :
Vous connaissez la différence entre le cinéma et la vie ? Dans la vie, on meurt. Au cinéma, on ne peut pas mourir.
Un récit trouble et maladroit
Passé ce drôle d’univers où l’on se plaît en tant que cinéphile à dresser des parallèles avec le cinéma, le film est néanmoins victime de quelques maladresses et de certaines lourdeurs que Clavier et Depardieu eux-mêmes peinent à rattraper. Sans parler d’un montage saccadé, qui, s’il colle parfaitement à l’idée d’une lecture de scénario page à page, délivre un produit indigeste et maladroit. Reste ces moments de grâce vaillamment tenus par certains personnages entre deux engueulades, comme une suspension dans le temps, soluble à son tour dans une œuvre qui se consume chaque minute passant.
De ce film difficilement accessible, on gardera en mémoire ce duo de tête légendaire : Clavier, Depardieu. A se demander si ce n’est pas l’unique raison qui a poussé les cinémas grand public à le programmer. Pourquoi je dis ça ? Pour les 3 personnes qui sont sorties de ma salle pendant la séance, qui visiblement ne s’attendaient pas à une telle confusion autour de Clavier et Depardieu.
Soit, on peut les comprendre. Mais c’est aussi le lot d’un cinéaste controversé que de ne pas plaire à tout le monde. Le prix à payer pour déployer tout son talent, et l’expression d’un luxe fou, celui de pouvoir porter ses démons à l’écran à 80 ans et des bananes.
Le cinéma comme refuge ultime
Convoi Exceptionnel n’est certes pas à un film à mettre entre toutes les mains, en tout cas pas dans celles du grand public. Il parvient néanmoins à sauver la face grâce à la complicité bienvenue du Duo Clavier / Depardieu, et à quelques monologues en plans longs d’un charme fou. C’est enfin un furieux cri d’amour au 7ème art, triste refuge du réalisateur depuis un demi-siècle avec désormais 20 longs-métrages au compteur.
Des films compacts à l’ambition nulle, sinon celle de troubler leurs spectateurs. Des œuvres absurdes qui jouent tout le temps mais ne trichent jamais. Et qui finissent au bout du compte tous par exprimer le doux rêve d’un vieux brigand du cinéma : celui d’une vie qui se termine…par un générique de fin.
Ce film figure dans mon Flop 2019