Dans le 7ème art comme ailleurs, la crise de la quarantaine n’augure jamais rien de bon. Elle correspond souvent au casage en règle des papas poule dupés par la richesse fonctionnelle d’une familiale 5 portes et séduits par les formules all inclusive en Club vacances, confinant au placard leur spontanéité d’antan et leur créativité de jadis.

Pour Guy Ritchie, cette stabilité s’est traduite dans les années 2010 avec une coucounade d’espionnage moyen (The Man From U.N.C.L.E.), une adaptation surréaliste façon grand huit du mythe de la table ronde en passant par un tour de manège en fast pass chez Disney avec Aladin. Forcément, quand on sait que le truculent Sherlock Holmes et le très culte Snatch sont sortis de son chapeau, on attendait patiemment le moment où les bonnes idées du britannique allaient resurgir.

Le retour du héros

Fort heureusement, est venue la crise de la cinquantaine. Celle qui, derrière un train de vie plan-plan, masque une furieuse envie de sortir du rang pour tracer la route sur une Harley en écoutant les ZZ Top. Et pour Guy Ritchie, c’est maintenant ! Oui ça y est ! Envoyez des corbeaux, répandez la nouvelle de la Compté jusqu’aux confins du Mordor en passant par les mines de la Moria. Le roi Ritchie est de retour !

La bonne idée tient peut-être dans ce film de gangsters ma foi pas piqué des hannetons, digne héritier de Rock’n Rolla et d’Arnaques, crimes et botanique. Le tout monté autour d’un Matthew McConaughey impérial en baron de la drogue chez les rosbeefs. Les hostilités commencent quand le vieux lion voit son trône convoité. Bref, y a du ram-dam dans la savane…

Gangsta Paradise

Là on on l’attendait sur le terrain d’une énième adaptation, tel était le sel de sa filmo depuis maintenant six films, l’ami Ritchie trompe son monde en 2020 avec un scénario parfaitement original à base de weed, de grosses prétoires et de « Qui arnaque qui ? ». Pour vous donner une idée, c’est un peu comme si James Bond croisait Booba et Karis, mais sans les Duty Free.

Nous voilà plongés d’entrée de jeu dans l’ambiance tweed & british quasi intemporelle à laquelle s’agrègent une BO aux accents très urbains et des partis pris scéniques délibérément modernes, et c’est très cool ! La combinaison des styles fonctionne du tonnerre, et peut compter sur une palette d’interprètes de choix, de Charlie Hunnam à Colin Farrell en passant par un Hugh Grant en roue libre.

Du rythme que diable !

Le tour de force, c’est d’arriver à mettre le tout en musique, réglé sur un rythme trépidant, presque sans pause, sans perdre son spectateur. Et malgré la foule de personnages qui se croisent dans le récit, on sait qui est qui, on comprend tout et on prend facilement la mesure de chaque péripétie avant de passer à la suivante. Bref, on se laisse glisser tranquillement dans le jeu des personnages en pariant sur celui qui va gagner.

Là-dessus, les dialogues fusent avec une classe étincelante, les plans s’enchaînent de façon frénétique. On retrouve la patte empressée du real, son goût pour les inserts et les répliques qui fusent. Mieux, Ritchie se paie le luxe de détériorer l’ordre de son récit en faisant se chevaucher certaines scènes. En vérité, le mec ne réinvente pas les histoires de gangsters et les règlements de compte à l’écran, simplement la manière de les raconter et de les filmer.

Mais le vrai kiff ultime, c’est quand The Gentlemen chatouille le 4ème mur et met sa propre histoire en parallèle avec le monde du cinéma, allant jusqu’à tourner une scène dans le bureau du producteur de Miramax (la boîte de prod de Richie) avec des affiches de ses films en arrière-plan.

The Gentlemen en bref

Derrière ses aspirations méta et ses grandes lignes de dialogue, The Gentlemen ne cherche pas la vérité absolue ni les prouesses scéniques, il fait juste ce qu’on lui demande, et c’est largement suffisant. C’est cette humilité qui fait de Guy Ritchie un mec talentueux. Doté d’une grosse capacité à inscrire un récit contemporain dans une ambiance d’époque avec une classe et un rythme terribles. Cette fois-ci, aucun doute, le lion n’est pas mort, et il est bel et bien de retour en son royaume.

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