Particulièrement à l’aise quand il s’agit d’égratigner le système (The Big Short, Vice), Adam Mckay frappe très fort cette année avec un pitch glaçant : le mépris du discours scientifique et le déni absolu de la Maison Blanche et des médias face à la menace d’une comète en chemin pour pulvériser la planète. Une comédie noire maquillée en film catastrophe avec le réchauffement climatique en ligne de mire…

Écrit en 2019, puis retaillé par son auteur au printemps 2020 à l’aune de la gestion de la crise sanitaire, Don’t Look Up brille par la férocité de son écriture, basée sur l’opposition de deux forces en présence : d’un côté, deux scientifiques du Michigan (Leonardo DiCaprio et Jennifer Lawrence, parfaits). Deux inadaptés sociaux soudainement parachutés à Washington pour convaincre les pouvoirs publics de la gravité de leur découverte.

De l’autre, un monde plongé dans le déni : les dirigeants, trop préoccupés par leur cote de popularité et leur prochain mandat, les médias, trop soucieux de leurs audiences, la planète, trop occupée à déplorer la rupture du couple star de la planète people (Ariana Grande prend un plaisir fou à exercer son auto-caricature) ou du dernier épisode des Marseillais made in US.

Pire, une bulle internet plus préoccupée à créer des mèmes sur le nouveau sexy scientist (surnom donné au personnage de DiCaprio) plutôt que de l’écouter lorsqu’il confirme la destruction de la planète sous un délai de 6 mois par une comète large comme l’Everest. L’ahurissement grimpe encore d’un cran lorsqu’entre en scène le patron de BASH, sorte de Elon Musk / Steve Jobs / Jeff Bezos / Mark Zuckerberg en puissance (prenez celui que vous préférez) incarné non sans un certain amusement par le talentueux Mark Rylance.

DATA GUEULE

Ici, deux mondes s’affrontent avec les mêmes armes : les scientifiques ont leurs données, les GAFA ont les leurs. Les chiffres comptent pour tout le monde mais chacun regarde les siens et personne ne parle la même langue. Entre les deux, une incapacité à communiquer malgré la déferlante de tweets et de messages qui inondent la planète à chaque seconde.

En ligne de mire la gestion de la crise sanitaire, qui a stoppé le tournage du film au printemps 2020, puis a conduit Adam McKay à pousser à fond les pautards de la satire. Mais aussi, et surtout : Trump et les climato-sceptiques. Une cible qui se justifie aussi par le choix de DiCaprio, fervent militant environnemental. D’ailleurs, on jurerait entendre Di Caprio lui-même lors de sa gueulante sur un plateau TV. On notera enfin une dénonciation plus subtile de l’inégalité homme-femme à travers les deux personnages principaux. Bref, le film fourmille de symboles !

Il faut dire que chaque détail aussi discret soit-il, concourt avec subtilité au propos du film : ici, un chariot rempli de viande de bœuf traverse une rédaction, là, des éboueurs chargent un camion de déchets plein à ras bord, ailleurs des insectes ou des hippopotames continuent de vivre paisiblement leur vie sans se douter de rien, comparant ainsi le déni des hommes à celui d’animaux dépourvus de conscience…

Voilà ce qui constitue le génie de Don’t Look Up : arriver à dénoncer une situation sans jamais la nommer ni la montrer, tout en la traitant sous l’angle de la comédie. Le résultat est tout simplement brillant. Un film Netflix tout à la fois drôle et terrifiant, aussi révoltant que divertissant. Essentiel à bien des égards, à commencer par celui de dénoncer l’urgence climatique qui pèse sur notre planète, malheureusement bien réelle…

PS : *spoiler* Mention spéciale à la scène post-crédit : non seulement le personnage de Jason tourne un live depuis son Smartphone (avec quelle connexion d’ailleurs ?) alors qu’il est le dernier homme sur Terre, mais en plus il est toujours dans le déni total lorsqu’il appelle sa mère, qui est déjà bien loin… Voilà qui vaut toutes les scènes post-générique du MCU !

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