De Leos Carax, je connaissais bien peu de choses jusqu’à présent exit Holy Motors, qui avait largement défrayé la chronique en 2011. 9 ans plus tard, le voici de retour avec une comédie musicale pour le moins intrigante, mûrie assez longtemps pour susciter nos curiosités cinéphiles : Annette.

Nous voici devant un drôle de dilemme. D’un côté, une œuvre pétrie d’amour, bourrée de poésie, avec quelques idées franchement pas dégueu (la séquence d’introduction !). De l’autre, un délire créatif assez peu accessible au plus grand nombre, quand il n’est pas malaisant. En plein état de conscience, Carax s’acharne à maintenir un équilibre constant entre le beau et le grotesque, l’audacieux et le navrant, le curieux et agaçant. Et c’est aussi beau que ça dérange.

Pourtant tout n’est pas à jeter, loin de là : le prix de la mise en scène attribué cette année à Cannes n’est franchement pas volé. La photographie reste l’un des atouts majeurs du cinéaste, et son perfectionnisme légendaire en plateau se fait clairement ressentir à l’image. Bref, de quoi conquérir nos mirettes sans discussion. Et que dire de ce plan-séquence à mi-film : un travelling circulaire aligné sur les refrains du morceau et tournoyant autour d’un Simon Helberg tout simplement éblouissant en chef d’orchestre.

Oui mais. Cette scène, comme beaucoup d’autres, sera malheureusement coupée de manière trop abrupte pour être savourée jusqu’au bout. C’est d’ailleurs un peu ce que je reproche à Annette : de bonnes idées souvent tuées dans l’œuf au nom d’un prétendu délire artistique. Enivré par le pouvoir salvateur du 7ème art, Carax essore tant qu’il le peut ses thématiques phares (la paternité, la filiation, le complexe artistique), largement inspirées de son parcours personnel. Mais là encore, il semblerait que l’exutoire personnel ait pris le pas sur l’intérêt du spectateur.

Adam Driver, qui a tout récemment cassé internet avec cette campagne de publicité, fait pas mal le job bien que son personnage confine souvent au malaise. Marion Cotillard est sans surprise assez douée à la réplique. Mais c’est la jeune Devyn McDowell qui l’emportera à la toute fin du film en seulement 5 minutes de jeu.

En dépit de cet immense travail d’interprétation, Annette n’en demeure pas moins un film assez autiste, ne sachant pas communiquer avec son spectateur et ne lui donnant pas nécessairement les clés pour être lu. Trop lunaire pour emporter suffisamment d’adhésion, trop intimiste pour atteindre ses cibles, le dernier né de Carax frôle le ridicule à de nombreuses reprises. Pas étonnant quand on sait ce dernier critique récurrent des convenances et du « raisonnable de l’époque ». Bref, pas un souvenir impérissable…

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