De quoi Licorice Pizza est-il le nom ? D’un disquaire des années 70, du vinyle en forme de réglisse ou de la madeleine de Proust de Paul Thomas Anderson ? Ou peut-être tout simplement, de tout cela à la fois.

1973. San Fernando, Californie. Un garçon de quinze ans tombe amoureux d’une fille de vingt-cinq lors d’une photo de classe dans son lycée. Derrière cette trame romantique faussement naïve se dissimule en lieu et place une plongée revigorante dans la jeunesse de PTA, papa de There Will Be Blood, Inherent Vice ou encore Phantom Thread.

Si le récit virevolte en effet au gré des jalousies de l’un, puis de l’autre, il s’offre aussi à son réalisateur comme une formidable machine à remonter le temps. Pourtant, si c’est bien l’enfance qui inspire le cinéaste, à aucun moment son film ne se laisse déborder par la mièvrerie ou la mélancolie. Bien au contraire, le cinéaste puise dans ce matériau extraordinaire qu’est le souvenir pour fabriquer un espace-temps à la fois rassurant, solaire, insouciant, sans jamais perdre de vue ses personnages ni sombrer dans l’écueil de l’auto-kiff.

Ici, nous sommes dans un plaisir partagé. Le film est une invitation à se perdre dans son univers. Alors oui, la succession brouillonne d’événements un peu rocambolesques pourra en rebuter certains. Pourtant, chaque scène est à la fois unique et grandiose, portée par un travail esthétique passionnant, aux couleurs chatoyantes.

En vérité, Licorice Pizza se complaît volontiers dans cet esprit sans queue ni tête. Un peu comme si des enfants étaient en train d’écrire le scénario en live et de passer d’une idée à l’autre toutes les cinq minutes. Le film porte en lui cette insouciance juvénile, cet amusement permanent. Ce n’est pas pour rien que le film est peuplé de gosses et d’ados. Et que les adultes semblent tous plus puérils les uns que les autres : il faut voir Sean Penn en acteur chevronné faire mumuse avec sa moto ou encore Bradley Cooper saccager le paysage urbain en hurlant sur les passants (irrésistible !). Nous sommes dans un monde où les plus jeunes prennent les commandes tandis que leurs aînés déraillent. D’ailleurs, Paul Thomas Anderson ne rate jamais une occasion d’évoquer le sexisme ambiant de l’époque, là encore sans jamais perdre de vue son projet feel good.

Et puis, les personnages courent. Beaucoup. Dans tous les sens. Seuls, à deux. Face cam, ou pas. Comme s’ils couraient après la vie pour ne pas en perdre une miette. Alors, pour suivre le mouvement, PTA fait des travellings. Beaucoup. Dans tous les sens. Et puis des plans séquences, sublimes, et tout juste assez mesurés pour qu’on ne se rende même pas compte qu’il y en a. C’est à ce genre de détails que l’on reconnaît la marque des grands.

Avec Licorice Pizza, le cinéaste chouchou des festivaliers ouvre le cru 2022 en grande pompe : son dernier né possède à la fois la fraîcheur d’un premier film indé et le professionnalisme d’un neuvième. Un peu son Once Upon a Time in Hollywood à lui, mais en beaucoup moins nostalgique et vachement plus lumineux. Vous reprendrez bien un peu de pizza réglisse ?

La B.O Licorice Pizza

Référence directe au vinyle en forme de réglisse, Licorize Pizza est un disque à lui tout seul. Et quel disque ! Un véritable best of de l’année 1973 à lui seul ! Écoutez plutôt…

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