Nicolas Bedos propose à son spectateur une expérience d’un genre nouveau : un Retour vers le Futur à la recherche du temps perdu. Une madeleine de Proust trempée dans une douceur cinéphile. Et si on se replongeait…dans la Belle Époque ?
Ah les années 70… les Trente Glorieuses, les vestes en cuir, la fumée de cigarette, les fringues hippies et les balbutiements du disco, les carrés longs pour les mecs et les pantalons pour les filles. Les cafés sur les tables et pas encore de portable. La réalité pas virtuelle et les conversations bien réelles. Pas de Google et des vrais coups de gueule. Facebook au placard et tout dans le regard.
Et si l’on vous procurait le loisir de replonger dans cette époque bénie ? C’est justement ce que propose Antoine – le personnage de Guillaume Canet – à ses clients au travers d’un dispositif mêlant artifices théâtraux et reconstitution historique. C’est l’expérience dans laquelle Victor, sexagénaire désabusé et déphasé avec son époque, va se lancer dans l’idée de revivre la semaine la plus marquante de sa vie : celle où, 40 ans plus tôt, il rencontra le grand amour…
Loin des écrans, près du cœur
Avec ce concept qui de loin nous fait penser à Truman Show et Black Mirror, Nicolas Bedos nous propose un Retour vers le Futur à la Recherche du Temps Perdu (oui je le répète parce que j’aime vraiment bien l’idée !) qui, au-delà du « voyage dans le temps » fait aussi écho à notre rapport aux autres – par le prisme des outils du numérique – en 2019.
Ici par exemple le personnage de Daniel Auteuil questionne à juste titre l’utilisation de ces objets connectés par opposition au personnage de Fanny Ardant, sexa conquise par ces gadgets qui lui permettent de s’émanciper de l’ennui de son couple et d’accomplir sa cure de jeunesse. A noter que les nouvelles technologies deviennent de près ou de loin des thèmes d’intérêts notoires pour les réalisateurs français, tout comme dans Deux moi de Cédric Klapisch.
Plus largement, La Belle Époque ravit pour ses trouvailles scéniques, ses dialogues ciselés et forcément pour son effort de reconstitution avec un concept qui plaira tout particulièrement aux cinéphiles, ne serait-ce que pour voir s’animer toute une équipe de tournage autour du seul plaisir solitaire de son client. Oui c’est jouissif, non ce n’est pas du porno.
Du beau monde
De son côté, l’écriture de Nicolas Bedos donne lieu à une savoureuse réconciliation des genres et tire parti du meilleur de son casting 3 étoiles : l’air malicieux de Daniel Auteuil, l’imprévisibilité de Doria Tillier, l’air ronchon et génial de Guillaume Canet sans oublier le charme magnétique de Madame Fanny Ardant. Finalement, chacun a mis un peu de soi dans son rôle, et puis Nicolas Bedos a aussi mis un peu de lui dans chacun d’entre eux. Et surtout dans Doria Tillier. Pardon on n’a pas le droit ça peut-être ? Bon en tout cas j’espère que ça vous a bien fait rire. Et tu vois, c’est ça Bedos. Du trash intelligible. Du sens apporté à la violence des mots. De la grâce à chaque coin de dialogue quand bien même il porte une engueulade ou une intention un tant soit peu vulgaire. C’est bien ainsi que le charme opère, tel que ce fut le cas pour Monsieur et Madame Adelman, biopic fictif et malin aux aspirations délibérément féministes avec pour ambition de hisser toujours plus haut le drapeau de l’art et des mots. Voilà qui décrit l’ADN de la très jeune filmo de l’ami Nico.
Un style inédit, libéré de toute convention qui cherche à marier le feu et la glace dans des dramédies ambitieuses. Un talent qui ne me laisse pas indifférent, moi le pourfendeur de la french touch et qui saura non seulement séduire le grand public, mais surtout vous demander : « Et vous ? C’est quoi votre plus Belle Époque ? »