Que ce soit dans Bernie, 9 mois ferme ou Au-revoir là-haut… Il réside toujours chaque réalisation d’Albert Dupontel ce tronc commun d’émancipation de la société régulière et de ses puissants. Ce cri du cœur poussé par les accidentés de la vie, les paumés ou encore les gueules cassées. Cette envie de gueuler “Ciao les nazes !” à qui veut l’entendre, dans des formats resserrés (1h30 en moyenne) au débit mitraillette, mais toujours dans une tendresse infinie. Un précepte repris en chœur dans Adieu les cons, qui force le trait 3 ans après Au-revoir là haut en s’inscrivant cette fois-ci dans une époque contemporaine pour y célébrer les rencontres improbables. Celle de Suze et JB, tous deux en décalage avec une société qui ne les considère même plus. Très vite rejoints par Serge, un aveugle lui aussi mis au rebut. Tous trois se lancent à travers la ville dans une quête désespérée, à la recherche du temps perdu, celui qu’on ne rattrape plus…

A la recherche du temps perdu

Adieu les cons, c’est la nostalgie d’un siècle révolu (et apparemment c’est à la mode) : elle est loin l’époque de la Mano Negra, des dreadlocks et des baladeurs. La fougue insouciante des années 90 a laissé place aux nouvelles technologies, à la régulation des marchés, à la frénésie du quotidien, aux existences processées et à la dictature du pognon. Une mala vida à laquelle Suze et JB veulent échapper à tout prix. D’où ce rythme implacable cher à Dupontel, que ce soit quand il parle ou quand il réalise. Chez lui, pas de temps à perdre, en 1h27 l’affaire est dans le sac. Remarquez, une fois qu’on a extrait le superflu, il ne reste plus que l’essentiel. Donc pas la peine de s’éterniser ! Car désormais, il ne s’agit plus de dire au revoir. L’heure est aux adieux.

Adieu aux puissants dépourvus d’humanité, aux cols blancs nichés dans leur tour d’ivoire, au tout venant scotché à son smartphone, à une société qui se fatigue elle-même. Dupontel moque ici le système, glacial, procédurier, robotique, vicieux au mépris des paumés, des oubliés, des victimes et des accidentés de la vie. Ceux-là même qui renferment le peu qui nous reste d’humanité.

Sur le fil des émotions

Et c’est là que réside le tour de force du film : dans sa faculté à faire rire avec des sujets qui ne s’y prêtent pas, mais toujours avec la retenue suffisante. Et à faire cohabiter dans chaque réplique un humour redoutable doublée d’une tendresse infinie. C’est ainsi qu’Adieu les cons se meut. En équilibre sur le fil des émotions, toujours prêt à déclencher le rire et les larmes, parfois les deux au même moment.

Un dosage de chaque instant qui tient en toute logique à la performance des acteurs : une Virgine Efira éblouissante, un Nicolas Marié aussi drôle qu’attendrissant, et un Dupontel forcément en phase avec son intention de jeu, qui offre aux deux autres leur plus beau rôle de cinéma. D’où l’intérêt de jouer dans ses propres films (comme il le fit pour ses 2 précédents).

Il y a enfin cette photographie si singulière : un esthétique jauni plongeant les protagonistes dans un univers absurde, presque irréel, et dont on ne se débarrasse que lorsqu’ils cessent de leur course effrénée. Pour une arrivée des plus émouvantes avec l’amour comme vérité inamovible et intemporelle.

Adieu les cons, sans conclusion

Et puis, il y a tous ces jolis mots, terreau des puissants. Mais vous savez les mots ça veut rien dire. Des fois il suffit juste de dire que c’est bien. Pas là peine de se faire chier dans une conclusion comme celle-ci. De toute façon vous irez le voir ce film. Alors je vous propose un truc : laissons les cons là-haut. Et les aux-revoir aux idiots. Il ne s’agirait pas de s’éterniser. Allez, ciao les nazes !

La BO d’Adieu les cons

Bonus : la playlist « sortie de séance »

Leave a comment