A première vue, rien dans le synopsis d’En Corps ne laissait entendre que le dernier né de Cédric Klapisch s’inscrive dans le sillage des précédents. Ou plutôt, tout indiquait qu’il s’en émancipe. Pourtant, il y a dans le portrait de cette jeune danseuse en reconstruction l’écho de toute une filmographie. L’occasion de décrypter ensemble les récurrences du réalisateur français.

Début du film. Le rideau s’ouvre et le ballet commence. 10 minutes de danse classique totalement muettes et absolument captivantes, mais devant lesquelles on se demande bien où le spécialiste des rapports humains compte nous emmener…jusqu’à ce que la danseuse de tête se torde la cheville à la suite d’une mauvaise réception.

C’est ici que démarre le long chemin de croix d’Elise, entravée dans son art par une blessure invalidante. Et c’est ici qu’elle rejoint la liste de ces personnages Klapischiens brisés par une rupture amoureuse ou professionnelle, qui se réfugient auprès des leurs (Ce qui nous lie, Deux moi) ou bien vers de nouveaux territoires (L’auberge espagnole & co). Pour notre ex-danseuse classique, ce sera la danse contemporaine, un nouvel univers bien éloigné des codes du ballet. Et pour l’ami Cédric – grand passionné de danse et auteur de nombreuses captations pour l’Opéra de Paris – un formidable matériau visuel, largement propice aux moments de vie.

Et bien, dansez maintenant !

Ainsi chemine En Corps, entre les chorégraphies, les confidences et les moments de convivialité, à la faveur d’un cinéma très libre, solaire et spontané. Et comme souvent chez le cinéaste, ne s’encombrant jamais d’artifices de mise en scène : celle-ci se dérobe toujours à l’échange, et la technique n’est jamais plus importante que le moment qui se déroule. Ici, seuls les personnages et leurs émotions comptent, quitte, parfois même, à se payer des scènes totalement dépourvues de dialogues.

Soucieux de ne pas sombrer du côté obscur, Klapisch ne renie jamais le petit moment de légèreté ou le trait d’humour qui incombent ici à ses fidèles : Denis Podalydès, Pio Marmaï, François Civil… Signalons aussi la présence – trop rare sur grand écran – de Muriel Robin, géniale figure de réconfort ici. Et derrière ce casting de choix, une révélation : Marion Barbeau. Tout en sachant qu’elle tient ici son tout premier rôle de cinéma, il y a fort à parier qu’elle figurera parmi les prétendantes au César 2023 du meilleur espoir féminin.

Il suffira d’un cygne

Le cinéma de Klapisch a toujours eu pour lui l’avantage d’être accessible, universel et positif. En ce début d’année froid et morose, En Corps vient à point nommé réchauffer les cœurs. Un anti-Black Swan ensoleillé par la danse, un feel good movie en puissance.

La note de maître Kangourou : 8/10

Leave a comment