Trop vite passé sous silence, injustement boudé par les Oscars. Le parcours de Vice fait étrangement écho à celui qu’il met en lumière…
- Oscar du meilleur film
- Oscar du meilleur réalisateur pour Adam McKay
- Oscar du meilleur acteur pour Christian Bale
- Oscar du meilleur acteur dans un second rôle pour Sam Rockwell
- Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle pour Amy Adams
- Oscar du meilleur scénario original pour Adam McKay
- Oscar du meilleur montage pour Hank Corwin
Tout ça, c’est qu’aurait pu rafler Vice à la grand-messe annuelle du cinéma. Sauf que la réalité est tout autre, que Green Book, Roma et Bohemian Rapsody se sont taillé les meilleures parts du gâteau, et que Vice n’a eu que les miettes, quand dans les faits il méritait un bien meilleur festin.
Vice c’est une fois de plus l’histoire de l’Amérique. D’un pays touché en plein cœur par 2 avions un matin de septembre, d’une idéologie occidentale contestée et d’un ennemi silencieux à abattre en retour. Et surtout : d’un homme qui tient l’avenir du pays le plus puissant au monde entre ses mains sans que personne ne se rende compte. Ce mec, c’est Dick Cheney, vice-président de George W. Bush Junior. Et quand tous les yeux du monde étaient braqués sur le second, le véritable pouvoir était détenu par le premier.
La théorie de Dick Cheney était basée sur le fait qu’après avoir passé une journée à bosser, les gens préfèrent clairement se vider la tête et se divertir plutôt que d’écouter des discours pompeux sur l’économie et les méandres de la finance. Un postulat anticonformiste en politique pour un homme qui avait néanmoins parfaitement compris avant tout le monde dans quelle langue parler aux électeurs.
C’est ainsi que ce dernier a gravi les échelons jusqu’à la Maison Blanche. En se faufilant progressivement dans les arcanes du pouvoir avec discrétion. C’est ainsi qu’il convainc Bush – et l’opinion publique par extension – d’envahir l’Irak, arguant sans trembler qu’il est plus facile de représenter un ennemi en le délimitant physiquement par un pays plutôt qu’en essayant d’expliquer ce qu’est véritablement Al Qaïda à un auditoire inculte. C’est ainsi que les plus grandes décisions de ce monde sont prises sous l’influence d’un seul homme pendant des années, sans que personne ne soit au courant. Et c’est parfaitement glaçant.
Le mode de narration de Vice colle parfaitement à la personnalité de son sujet principal, et repose étrangement sur le même système : en évoquant avec des mots simples ou en vulgarisant avec des images ce qui en vérité tient d’une gravité absolue. Une violence inouïe s’échappe alors tranquillement d’un film aux allures de biopic sympathique sur fond d’une vérité atroce.
Reconnu comme le meilleur ambassadeur des régimes amincissants et grossissants, le très téméraire Christian Bale – toujours non oscarisé à date – incarne avec brio ce politicien discret à l’air débonnaire et taiseux, la voix rauque, l’oreille tendue et le museau bien affûté. Amy Adams le seconde avec efficacité en épouse fidèle, tandis que Sam Rockwell débilise à loisir un George de Bush plus con que le chapeau d’un texan. Un joyeux rôle qui achève Mister President et consume le peu d’estime qu’on pouvait encore lui prêter.
Autour de ce solide casting, la réalisation se veut réaliste, extrêmement bien rythmée et surtout hyper fluide. De sorte à ce que l’on ait à peine le temps de se rendre compte de ce qui se trame à l’écran qu’autre chose est déjà en train de se jouer sur le plan suivant. Du reste, le mode de narration chronologique nous permet dans le même temps d’apprécier le vieillissement de Christian Bale au fil de l’histoire, qui a valu au film l’Oscar des meilleurs maquillages et coiffures (et cet Oscar seulement, je le rappelle).
Adam Mckay quant à lui, produit tranquillement, sans que personne ne l’ait vu venir, ce qui devait être une machine à Oscars. A l’arrivée : 8 nominations pour une seule récompense : un Oscar technique. Un palmarès peu suffisant à l’égard de ce que Vice a pu déployer comme talents. L’on dira, comme pour beaucoup d’autres, que celui-ci était – et il l’était – trop politique, trop pro-démocrate ou trop bavard. Un comble pour ce film, car on n’a jamais aussi bien fait parler quelqu’un d’aussi discret.
Vice et The Loudest Voice : même époque, même combat
Parue en 2019, la série The Loudest Voice met en scène ce que l’on pourrait considérer comme le pendant exogène de ce qui se trame dans Vice, en scrutant les coulisses de Fox News, chaîne pro-républicaine par essence depuis ses débuts. A sa tête, Roger Ailes, patron iconique, charismatique, buté et incontrôlable, doté d’une force de persuasion immense. Un personnage ultra controversé du fait des nombreuses accusations dont il a fait l’objet (voir aussi : Scandale, 2019), qu’interprète ici Russell Crowe avec une justesse inouïe.