Sur le papier, La Fille au Bracelet possèdait tous les attributs d’un téléfilm du lundi soir : scénario accrocheur sur fond de meurtre et de procès, décryptage d’un drame par le prisme d’une cellule familiale, casting et lieux de tournage en petit nombre jusqu’à l’accroche « Et si c’était votre fille ? » placardée sur l’affiche. A ce stade, tout concourait à un succès fou en prime time sur TF1. Mais à bien y regarder, le cinéma tendait clairement les bras à cette adaptation du film argentin Acusada, récompensé à sa juste valeur du César de la meilleure adaptation. Décryptage…

Au-delà de l’esprit ultra-immersif de ce film de procès qui nous plonge 80% du temps dans le silence hypnotique d’une salle d’audience, c’est avant tout l’avalanche de questionnements qui viennent à nous au fur et à mesure que les témoins défilent à la barre : pourquoi ce mutisme, cette impassibilité de l’accusée qui contamine également sa famille ? Que vaut le témoignage d’un accusé et de ses proches considéré ainsi dans le temps long de la justice et la vie d’effroi dans laquelle il plonge les intéressés ? Que nous raconte l’absence de cette mère au procès de sa propre fille ? A quand s’arrête là justice et à quel moment commence le jugement ? Un simple discours est-il plus convaincant qu’une série de faits à décharge pour l’accusé(e) ? La justice doit-elle être adaptée pour se saisir du jugement d’un(e) adolescent(e) ?

Sans compter les nombreux autres sujets indirectement soulevés sans que les faits ne les aient nécessairement convoqués : la vie sexuelle des adolescents au XXIe siècle, le décuplement des faits par les réseaux sociaux (débat largement d’actualité dans nos journaux cette année encore), voire même la différence d’âge et de posture entre l’avocate générale et l’avocate de la défense. Autant de questions auxquelles Stéphane Demoustier choisi de répondre au travers de ce presque huis-clos envoûtant.

Angle droit

La force de ce film est de questionner tout à la fois le contexte sociétal dans lequel se sont déroulés les faits que le système judiciaire français lui-même en l’épluchant dans un espace temps nettement plus fidèle à la réalité que ce qu’il nous est donné à voir dans les séries américaines par exemple. En résulte une intrigue poignante au sommet de laquelle trônent les fameuses plaidoiries de fin de procès, aussi pertinentes que l’interprétation dont elles font l’objet par Anaïs Demoustier (la propre sœur du réal) et Annie Mercier.

La réalisation n’est pas en reste, et nous gratifie – entre autres – d’une parfaite utilisation du hors-champ et nous d’un travail minutieux sur le son, aussi discret puisse-t-il paraître. Aussi, par sa justesse, sa générosité et sa grande capacité d’immersion, La fille au bracelet s’impose assez naturellement comme l’un des meilleurs films de procès de ces dernières années. Voilà qui valait bien un César 🙂

De la fille au bracelet au Sept de Chicago

Autre haut-fait 2020 dans la série des films de procès, j’ai nommé Les Sept de Chicago. Une splendide adaptation d’un troublant épisode politique dans les années 60 signée Aaron Sorkin, la master class des scénaristes hollywoodiens.

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