Pas de cinémas ? Pas de problème ! Après avoir repris du service en tant que médecin pendant le premier confinement, Thomas Lilti a accouché dans la foulée de la saison 2 d’Hippocrate, non sans surfer sur le mood sanitaire actuel. L’occasion rêvée de procéder à l’autopsie de la série hospitalière de Canal +

Premiers symptômes

A l’origine, il y avait cette envie de raconter cette profession comme personne auparavant. Enfin si, comme celui qui la pratiqua avant d’embrasser une carrière de réalisateur. Ainsi naquirent sur grand écran Hippocrate, Médecin de campagne et Première année, des films qui n’hésitaient pas à montrer les pires aspects de la profession, mais sans jamais se départir de l’idée que la médecine est une vocation avant d’être un métier. Et puis, il y avait cette sensation d’effleurement du sujet, de n’avoir livré qu’une partie du diagnostic. Il fallait entrer non pas dans leurs histoires, mais dans le quotidien de ces pas tout à fait mais presque médecins. Forcément, le format sériel était tout trouvé !

Avec comme idée centrale de mettre en scène des internes livrés à eux-mêmes tandis qu’un sale virus a coincé leurs titulaires en quarantaine (ben voyons…). Et avec, comme toujours chez Lilti, la volonté de porter à l’écran une profession mangeuse de vie dans d’un monde sans filtres : tournage en espaces clos 95% du temps, garnissage intempestif du cadre, couleurs tristounes, éclairages timides, décors appauvris. Bref, tout concourt au confinement général des personnes autant qu’à l’ultra-réalisme de la situation si cher à son metteur en scène. Jusqu’à ce que la réalité elle-même finisse par rattraper la série…

Piqûre de rappel

Impossible de ne pas songer à la tension quotidienne que traversent nos soignants depuis maintenant 1 an au fur et à mesure que la saison 2 déroule son intrigue. Si le tournage avait commencé en hiver 2020, il n’a pu se finaliser qu’à compter de la trêve estivale, dans un contexte toujours très tendu pour nos soignants. Celui des protagonistes d’Hippocrate, Saison 2 – dont l’écriture des épisodes 7 et 8 s’est achevée à l’issue du premier confinement – lui est donc intimement lié.

Trop avisé pour laisser glisser l’occasion, Thomas Lilti prononce ainsi l’écho d’un écosystème en crise avec la transparence qui fait sa renommée : accumulation de patientèle, encombrement des lits dans les couloirs, manque de titulaires, report de charge sur les jeunes médecins, dysfonctionnements chroniques, épuisement du corps médical… La migration des urgences en service de médecine interne occasionnée dans cette nouvelle saison plonge les protagonistes dans l’épuisement le plus total, ce que la mise en scène ne manque pas d’appuyer avec encore plus de véhémence qu’auparavant. La série trouve heureusement quelques espaces de jeu d’où s’extraire à travers de – rares mais – véritables moments de vie (la soirée des internes, mémorable). Comme pour mieux nous rappeler que nos soignants sont humains avant tout.

Quant à Louise Bourgoin, Alice Belaidi, Karim Leklou et Zacharie Chasseriaud, on ne sait plus vraiment si ce sont des acteurs qui jouent des médecins, ou l’inverse, tant leur implication se fait sentir ici. Mentions spéciales à Bouli Lanners, incroyable de justesse en Papa Ours / Chef des urgences, ainsi qu’à Théo Navarro-Mussy, véritable révélation de cette nouvelle saison.

Bilan de santé

Innovation aucune au regard des précédentes réalisations de Thomas Lilti. L’ex-médecin cultive son style ultraréaliste a tout bout de plan pour mieux ruminer ses vieux démons. Et c’est tant mieux, car il le fait bien. Mais avec Hippocrate, jamais son cinéma n’aura été aussi synchrone avec son contexte. Jamais le professionnel de santé n’aura été aussi honoré que dans cette saison 2. Comme quoi, un serment ne se limite jamais aux frontières d’un hôpital. On disait quoi déjà ? Oui voilà, une vocation 🙂

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