On a beau ratisser les archives, impossible de nommer ne serait-ce qu’un seul film de SF français en dehors de la filmographie de Luc Besson. Alors quoi ? Parce que les US en ont le monopole, les tricolores devraient se cantonner à filmer de la parlotte ? Que nenni ! En 1 semaine, sortent successivement Oxygène et Le Dernier Voyage. Si le premier – très réussi ! – s’inscrit dans le parcours logique d’un réal chevronné (Alexandre Aja, à son meilleur), le second n’est autre que le premier long d’un jeune réalisateur. Une œuvre de SF française parue le jour de la réouverture des salles. Il ne nous en fallait pas moins pour nous ruer dessus.
Arrivé comme un cheveu sur la soupe sans que personne ne l’ait vu venir, Le Dernier Voyage a ceci d’intriguant qu’il n’est pas le genre de poulain à être distribué à grande échelle dans l’Hexagone. Aussi, il semblerait qu’une réouverture des salles à mi-mai avec une jauge à 35% soit le moment idéal pour tester ce genre de projets innovants auprès d’un public trépignant depuis des mois, et donc, d’un public plus attentif que la moyenne. De très bonne augure pour Romain Quirot, parfait inconnu venu avec cette adaptation de son propre court-métrage : Le dernier voyage de l’énigmatique Paul W.R.
Petit mais costaud !
Le manque de budget est criant. Pourtant, le jeune cinéaste s’en accommode vraiment pas mal en empruntant de jolis détours niveau cadrage : zéro plan large, inserts à gogo, passion dévorante pour les gueules de ses personnages et tournage autant que faire se peut en extérieur avec le désert marocain comme (superbe) théâtre des opérations. Au passage : on se souviendra longtemps de cette Tour Eiffel brisée, gisant sur le sable telle une icône déchue comme pour mieux signifier l’apocalypse.
On lui prêterait facilement des airs de court-métrage – ce qu’il fut autrefois – notamment en vertu d’un synopsis simple comme bonjour : la fin du monde est proche, les autorités pourchassent le dernier pilote sur Terre capable de la sauver. Pourtant, Le Dernier Voyage a tout d’un grand au regard de sa puissance esthétique. Impossible de ne pas y déceler les influences de Romain Quirot (Blade Runner, Mad Max…) tant les emprunts au genre post-apocalyptique sont évidents. Mais toujours en veillant soigneusement à rester dans l’hommage, dans un souci permanent d’humilité. L’originalité tirera plutôt son salut de cette patine eighties/frenchy, à travers l’injection des morceaux de Françoise Hardy, Eddy Mitchell ou Barbara sur la bande. Bien souvent là où les attend le moins, de surcroît ! (cf : playlist ci-dessous).
Les maux lui manquent
Véritable révélation télévisuelle de ces dernières années (Au service de la France, Chefs, Baron Noir), Hugo Becker tient parfaitement le film et trouve en face de lui des partenaires de choix : Jean Reno, Paul Hamy, Philippe Katerine, Bruno Lochet, Jean-Luc Couchard. Sans oublier la révélation du film : Lya Oussadit-Lessert. Une distribution elle aussi à l’économie, en accord avec une intrigue asséchée à l’extrême et des dialogues réduits au strict minimum, comme si le langage visuel prenait délibérément le pas sur le langage verbal. Ce qui ne pose pas vraiment problème tant l’image nous donne suffisamment à grailler et se suffit bien souvent à elle-même. Et c’est tant mieux, car c’est assez rare pour un long-métrage !
Ainsi, à travers ce geste gracieux, poétique et stylisé, Romain Quirot nous propose le meilleur film SF de l’année sans jamais avoir eu la prétention qu’il le devienne. Et rien que pour l’audace, c’est un grand oui.