Derrière la coquille vide en apparence, il est temps de comprendre ce que raconte vraiment le personnage de surfeur niçois interprété par Jean Dujardin (et pourquoi cette Brice de risques !). Décryptage d’une hype controversée…

Il est temps de se poser les bonnes questions : pourquoi tant d’entrées pour ce film accusé de débile ? (je parle de Brice, premier du nom). Pourquoi ce film à la fois si culte mais pourtant si détesté ? Pourquoi tant d’efforts si ce n’est pour communiquer sur le tragique permanent du personnage ? Pour raconter, à l’encontre des morales classiques, qu’il ne suffit pas de rêver d’une chose pour y parvenir ? Pour faire comprendre aux enfants qu’il est inutile de se bercer d’illusions sur son avenir, si ce n’est pour les conserver seulement à l’état de rêve ?

Un message beaucoup plus fin que l’acabit qu’il revêt

Toute la question est de savoir si l’entreprise initiale de Jean Dujardin et James Huth était de créer un univers comique juste pour faire rire l’auditoire, ou bien de convaincre ce dernier d’une morale réaliste à travers un personnage original mêlant comique et tragique. Sinon pourquoi s’évertuer à bâtir avec minutie un personnage accompagné de tout un vocabulaire, un code couleur et même plusieurs thèmes musicaux. Et surtout, pourquoi attendre 10 ans avant de surfer (+1) à nouveau sur le mythe plutôt que de l’avoir fait 2 ans plus tard pour gratter bêtement des thunes ?

Quant à Jean Dujardin, même s’il s’est égaré par moments avec des real ou des rôles douteux tels que Les Infidèles, il ne peut pas être demeuré au point de retrouver 10 ans plus tard un personnage culte juste pour faire rire platement l’assemblée ou juste pour faire du chiffre, entre un Oscar et un film avec Scorcese. Aujourd’hui papa de 2 ados de 15 et 17 ans, on peut facilement comprendre son concours à un message crédible et potentiellement efficace auprès d’un public jeune que la société de consommation abreuve de contenus illusoires au quotidien.

Le tout est de comprendre que Brice de Nice est un film adressé aux enfants dans son cœur de cible. Pour rappel : l’histoire est basée sur un ado dans un corps d’adulte, évoluant de fait en décalé dans un monde de grandes personnes et s’idéalisant, comme beaucoup de mômes, à son idole de toujours (cf : Bohdi dans Point Break).

Avec Brice 3, l’objectif de James Huth était moins de se faire des thunes sur le dos du surfeur que de finir de raconter l’histoire de cet anti-héros touchant de ridicule. Quand on sait que la fin de Brice premier du nom fut l’une des plus tristes qu’on ait eu l’occasion de voir dans une comédie française, il nous fallait comprendre où allait finir ce personnage auquel on s’était attaché malgré tout.

Brice, tout puissant ?

Le personnage, bien qu’égoïste, possède malgré tout quelques principes auxquels il reste très attaché, comme la défense de la faune marine et la protection de l’environnement marin (à son échelle bien entendu…). Dans le 3 (enfin, le 2. on s’est compris…). Son meilleur ennemi n’est autre que « lui-même ». Comprenez son égocentrisme intempestif, qu’il va entreprendre de chasser au profit de l’amitié, seule valeur aussi solide que pérenne dans ce monde un peu fou, parfois complexe,… Enfin, Brice sait faire la différence entre casser et humilier sans raison : l’ado de 2005 a grandi.

A travers ce récit, James Huth veut nous montrer qu’un individu peut, même avec un gros décalage dans ses interactions avec autrui, aboutir à une réussite, bien que celle-ci ne constituait pas son but premier. La preuve par trois avec Brice, Marius et Igor d’Hossegor. Chacun possédant un rêve et un handicap, mais capables de s’accomplir tout en assumant leur différence, sans pour autant sauver le monde. Par exemple : Marius assume pleinement sa différence en montrant ses pieds dans Brice 3.

Côté réalisation, le dyptique sur le surfeur simplet de Nice peut se vanter d’avoir déployé moult efforts pour se doter d’une réelle identité visuelle, mais également scénique avec l’utilisation de procédés cartoonesques. La comédie française n’a jamais été le théâtre de grandes prouesses de tournage, mais l’exemple de Brice 3 est assez éloquent pour être évoqué parmi les meilleurs dans sa catégorie, ne serait-ce qu’à travers les multiples intentions scénaristiques et visuelles comme pour illustrer avec pertinence que Brice s’imagine en permanence dans un film dans un vie la plus fictive et aussi éloignée que possible de la réalité.

Une facette volontairement débile au service d’une morale plutôt raisonnable à destination des enfants. Preuve en est du mode de narration choisi dans Brice 3 : le héros racontant son histoire à des enfants, puis leur avouant que finalement tout ce joli conte était faux depuis le début. Parce qu’il n’est rien de pire pour un enfant que de se confronter à la réalité, mais que c’est autant de plomb chargé d’avance dans ces petites têtes blondes pour l’avenir, bien réel et pour le moins imprévisible.

Morale à rapprocher, dans un tout autre style et pour un public voisin, de celle des Wachowski, qui s’évertuent à démontrer à travers leurs réalisations qu’il faut savoir garder les pieds sur terre et ne pas se laisser contrôler par l’illusion de notre imaginaire, car ce sont bel et bien les autres qui nous font avancer, pas nos rêves.

Brice de Nice, casse du siècle

Brice 3 n’est pas un grand film. Parce que ce n’est pas ce qu’il a cherché à faire. D’ailleurs, il fut assez drôle de confronter l’opération massive de communication autour du film (dont un clip avec Bigflo et Oli, un titre qui a fait parler de lui et un troll parfait d’une heure et demie sur Youtube, une fois de plus parfaitement raccord avec le message) à la simplicité assumée du film, tout autant que sa durée : une petite heure trente, tranquillement à base de tranquilade…

Si l’on ressasse notre morale une énième fois et qu’on l’applique à la qualité générale du film, là encore on s’y retrouve : film survendu et personnage ultra prétentieux, pour se retrouver avec une petite comédie assez drôle et au scénario basique, qui nous montre qu’il faut arrêter de se faire…des films. Bien plus de faire des entrées (le film a péniblement atteint les 2 millions au box-office), Brice 3 est là pour nous faire réfléchir en s’appuyant sur un registre comique très personnel et assumé, offrant à Brice la meilleure opportunité…de se casser.

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