Comme chaque année, nous avons eu avec les joyeux lurons de Fréquence Ciné le plaisir de nous rendre au festival Jean Carmet à Moulins, pour y célébrer les jeunes talents français ! Retour sur une édition riche en surprises avec une sélection de 4 longs-métrages français à découvrir en exclusivité avant leur parution prochaine dans nos salles…

Une femme du monde

S’il y a bien une actrice qui pouvait prêter sa sensualité, sa fierté, son charme, son caractère et sa fougue au personnage de Marie, c’est bien Laure Calamy. Elle campe ici une prostituée confrontée à l’inégalité des chances quant il s’agit de couvrir les frais d’inscription de son fils à une grande école de cuisine. Ce qui aurait pu tourner au cinéma social dépressif se révèle être un véritable portrait de femme (et de mère) placé sous le signe de la légèreté. Si la mise en scène est relativement neutre (tournage caméra épaule / champ contre champ classique), une Femme du Monde s’illustre essentiellement par la générosité de jeu de Laure Calamy, captivante à tous les égards. Un portrait d’une justesse incroyable, impeccable jusque dans sa clôture sur fond de Véronique Sanson.

Les Meilleures

Les Meilleures nous plonge le temps d’un été dans une intrigue amoureuse reliant Nejma et Zina, deux adolescentes issues du quartier de la Goutte d’Or, respectivement issues de deux bandes de cité rivales dans un secteur où l’homosexualité est encore synonyme d’omerta. Dans un élan délibérément naturel, la spontanéité des jeunes actrices (rendez-vous aux César !) vient très justement nourrir le réalisme du récit. La mise en scène de Marion Desseigne-Ravel, quant à elle, donne lieu à de véritables moments de grâce suspendus dans le temps, sublimés par une BO éblouissante. En résulte un film extrêmement beau, soigné. Un West Side Story des temps modernes d’autant plus réaliste qu’il a récemment trouvé écho dans l’actualité à travers le suicide de Dinah, 14 ans, victime de harcèlement scolaire suite à son coming-out. Essentiel, donc.

La Fracture

Partie de l’idée d’exploiter la crise des gilets jaunes pour mieux souligner les écarts sociaux engendrés par le quinquennat actuel, Catherine Corsini cultive ici l’urgence à travers un entremêlement de situations dont le rythme accélère à mesure que la situation empire à l’extérieur, jusqu’à l’asphyxie totale des urgences en pleine nuit d’affrontements urbains. La bonne idée fut celle de mettre sur le même piédestal la bourgeoise parisienne (Valéria Bruni Tedeschi, impériale) et le prolo/gilet jaune (Pio Marmaï, bouillonnant de nervosité) en les rendant tous deux pathétiques pour mieux en extraire le pouvoir comique. Ces traits d’humour réguliers sont les bienvenus et n’altèrent en rien le propos du film. Mais l’intention première de La Fracture s’accomplit en vérité à travers le personnage de l’infirmière incarnée par Aïssatou Diallo Sagna, véritable révélation de ce film. Derrière son portrait, le tableau d’un système de santé en crise à rapprocher de la saga Hippocrate de Thomas Lilti. Le message est clair : Il y a urgence !

Une Vie Démente

Parce qu’on a tous connu une personne de notre entourage atteinte de la maladie d’Alzheimer, Une Vie Démente est essentiel. Que ce soit à travers la démence pathologique qui gagne le personnage de Suzanne ou bien dans le sacrifice que son fils Alex est contraint de faire subir à sa vie de couple, Ann Sirot a choisi d’attribuer à son film une exaltante légèreté, parfaitement alignée avec l’envie de dédramatiser la situation. A mille lieues de faire sombrer le récit dans le pathos, la maladie donne lieu à de nombreux moments d’humour et de tendresse. Et plus encore, par sa mise en scène, inventive, sertie de plans fixes et de jump cuts bien exploités, et servie par des acteurs extrêmement généreux. Une jolie surprise, fraîche et revigorante !

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